La dysplasie fibreuse


La dysplasie fibreuse


CAS CLINIQUE

Un jeune patient de 11 ans, d’origine bulgare, présente

une tuméfaction de l’hémi-maxillaire droit, évoluant

depuis environ 6 ans (fig. 1 et 2). Ce jeune garçon, qui ne

présente par ailleurs aucun antécédent particulier, ne

signale pas de douleur liée à la tuméfaction. La biologie

est normale. Un scanner du massif facial montre une

lésion de l’hémi-maxillaire droit, se prolongeant au niveau

des cadres osseux des sinus maxillaires et correspondant

probablement à une dysplasie fibreuse (fig. 3 et 4). Une

biopsie de la masse confirme histologiquement ce diagnostic.

Vu le jeune âge du patient, le caractère bénin de la

tumeur et sa lente évolution, l’abstention thérapeutique

est proposée, avec une surveillance semestrielle. Un an

plus tard, on constate une évolution importante avec un

doublement de la taille de la lésion, une déviation du centre

inter-incisif et des troubles occlusaux majeurs. Le scanner

avec reconstruction 3D confirme cette évolution avec

un effet de masse modéré au niveau de l’orbite.


Figure 1 : Patient vu de face ; perturbation du plan occlusal



QUEL TRAITEMENT PROPOSEZ-VOUS ?


RÉPONSE

La dysplasie fibreuse ou maladie de Jaffe-Lichtenstein est
une entité clinique décrite pour la première fois en 1891
par von Recklinghausen. L’ostitis fibrosa désigne alors une
lésion osseuse au sein de laquelle la médullaire est remplacée
par du tissu fibreux. En 1937, Albright et al. parlent
d’ostitis fibrosa generalisata pour nommer l’association
de lacunes osseuses polyostotiques, de troubles endocriniens
sexuels et d’une pigmentation cutanée. En 1938,
Lichtenstein définit cette association clinique sous le terme
de « dysplasie fibreuse polyostotique ».
La dysplasie fibreuse est donc une tumeur osseuse (certains
auteurs la considèrent néanmoins comme une affection
d’étiologie malformative), rare (2,5 % des tumeurs
osseuses et 7 % des tumeurs osseuses bénignes) [1, 2],
qui se localise préférentiellement au niveau des os longs
(métaphyse et diaphyse), du pelvis, de l’épaule, des os de
la face et du crâne. La lésion de la dysplasie fibreuse consiste
en le remplacement du tissu osseux par du tissu
fibreux [3].
On distingue 3 types de dysplasie : la forme monostotique,
la plus fréquente (70 %), la forme polyostotique,
plus agressive et le syndrome de McCune et Albright, plus
rare, et qui associe des lésions de dysplasie polyostotique,
des manifestations cutanées (tâches café au lait) et des
désordres endocriniens (puberté précoce, croissance accélérée,
goitre et hyperparathyroïdie…) [3, 4].
Cliniquement on observe des déformations osseuses
parfois responsables d’injures esthétiques ou même de
fractures. L’atteinte de la sphère cranio-faciale mérite une
attention particulière en raison de l’atteinte possible des
structures nobles qui la composent : nerf optique, organe
de l’audition, troubles de l’occlusion, troubles respiratoires
par atteinte des fosses nasales, atteinte de la base du
crâne [5]…
Le pronostic des lésions de dysplasie est généralement
bon en raison de la tendance à la stabilisation lors de
l’arrêt de la croissance osseuse. Il existe un très faible
pourcentage de transformation maligne (0,5 à 4 %) en
ostéosarcome, chondrosarcome ou fibrosarcome, et il
apparaît que 50 % des patients souffrant de transformation
maligne ont reçu une radiothérapie dans le cadre
d’un traitement précoce de la dysplasie.
Pour décider du traitement proposé au patient, le praticien
devra évaluer la gravité de la pathologie en tenant
compte des complications possibles (endocriniennes, neurologiques,
traumatologiques…), de l’aspect radiologique
des lésions, de l’augmentation des phosphatases alcalines
et de la densité osseuse qui reflète l’efficacité d’un éventuel
traitement médicamenteux préalable.
Le traitement peut être médical et/ou chirurgical.
D’un point de vue médical, l’administration de biphosphonate
a prouvé son efficacité dans la diminution de
l’intensité des douleurs et des marqueurs biochimiques
relatifs au turnover osseux, et une certaine diminution des
sites ostéolytiques à la radiographie (chez 50 % des
patients) [5, 6]. Ce traitement est toutefois peu utilisé
chez les enfants en croissance en raison du peu d’expérience
clinique à ce sujet.
Le traitement chirurgical, quant à lui, sera le plus souvent
conservateur (ostéotomie modelante), s’avérant
satisfaisant d’un point de vue esthétique et suffisant lorsque
les lésions progressent lentement et ne menacent pas
des structures anatomiques importantes. C’est l’attitude
thérapeutique la plus largement proposée dans la littérature
pour cette pathologie.
Certains auteurs préconisent cependant des résections
larges, à visée curative, mais responsables de déficits
esthétiques majeurs et pas toujours suivies de rémissions
complètes [7].
Le patient présenté a bénéficié d’une intervention chirurgicale
consistant en une ostéotomie modelante qui s’est
avérée très satisfaisante tant du point de vue esthétique
que fonctionnel [5, 8].



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