L’anatomie pelvi-périnéale de l’homme


L’anatomie pelvi-périnéale de l’homme

1. Introduction

Les notions d’anatomie pelvienne et périnéale
utiles pour comprendre le mécanisme sphinctérien
urinaire chez l’homme comportent la description
du sphincter urétral, de ses moyens de
fi xation et de son innervation. La description de
ces trois éléments a évolué fondamentalement
au cours de ces 10 dernières années. L’image
classique d’un double sphincter annulaire (lisse
en interne et strié en externe) inclus dans un
diaphragme urogénital (masse musculaire striée
prise en sandwich entre deux fascias tendus d’une
branche ischio-pubienne à l’autre) et dépendant
d’une double innervation somatique périnéale
(nerf pudendal) et autonome pelvienne (nerfs
pelviens) a fait son temps, même si ce schéma
simplifi é se retrouve encore dans nombre de livres
d’anatomie. Ce court chapitre a pour but
d’illustrer les données actuelles, en se focalisant
sur l’anatomie du système sphinctérien urétral.


2. Pelvis et périnée : défi nitions

2.1. La ceinture pelvienne
La ceinture pelvienne est formée des deux os
coxaux unis en avant par la symphyse pubienne
et soudés au sacrum en arrière. Inclinée en
avant et complétée de structures ligamentaires,
elle délimite deux détroits (supérieur et inférieur)
et deux régions, les grand et petit bassins osseux
(fi g. 1, fi g. 2a).
Cette ceinture est tapissée de muscles latéraux
qui complètent l’anneau pelvien : les obturateurs
internes (m. obturatorius internus) et les muscles
piriformes (m. piriformis). Un épaississement de
l’aponévrose de l’obturateur interne (arcus tendineus 
levatoris ani) sert d’insertion au muscle


releveur de l’anus (m. levator ani) divisé en plusieurs
faisceaux suivant leur insertion pelvienne
(fi g. 2b). La portion postéro-latérale du releveur
de l’anus appelé « muscle ischio-coccygien » ou
« coccygien » (m. ischiococcygeus, m. coccygeus) recouvre
la face supérieure du ligament sacro-tubérositaire.
Le releveur de l’anus dessine un entonnoir
asymétrique dont l’ouverture caudale est
déplacée antérieurement et regarde vers le bas :
l’hiatus urogénital. Cet entonnoir correspond au
diaphragme pelvien et divise le petit bassin osseux
en pelvis vrai (céphalique) et périnée (caudal)
(fi g. 3).

2.2. Le périnée
Le périnée est limité céphaliquement par le releveur
de l’anus, latéralement par la portion souslévatorienne
de l’obturateur interne, les branches
ischio-pubiennes, les ligaments sacro-tubérositaires
et la portion médiale du grand fessier (m.
gluteus maximus) et inférieurement par le tissu
cutané (fi g. 2a).
Superfi ciellement, le périnée se présente sous
forme de deux triangles unis par leur base. Le
triangle antérieur est situé dans un plan quasi horizontal
et est traversé par les structures urinaires
et érectiles; le second, postérieur, laisse passage
au canal anal et à l’anus, il est situé dans un plan
oblique antéro-postérieur de bas en haut (fi g. 4).






2.2.1. Le périnée postérieur

Le périnée postérieur se compose de la partie
terminale du système digestif entourée des fosses
ischio-anales (fi g. 5A).

2.2.2. Le périnée antérieur
Le périnée antérieur est divisé par une structure
triangulaire transversale logée entre les deux
branches ischio-pubiennes : la membrane périnéale
(membrana perinei). Frontalement, on distingue
ainsi plusieurs espaces au niveau du périnée
antérieur (fi g. 5B, fi g. 6) :
– L’espace périnéal sous-cutané, logé entre le
fascia sous-cutané périnéal en surface, portion
membraneuse (similaire au fascia de Scarpa de
l’abdomen et appelé « fascia de Colle ») et en
profondeur le fascia périnéal profond ou « fascia
de Gallaudet ».
– L’espace périnéal superfi ciel se situe entre le fascia
de Gallaudet en superfi cie et la membrane
périnéale (membrane de Carcassonne, ligament
triangulaire) en profondeur. Il comporte
les structures érectiles, l’urètre bulbospongieux
et le muscle transverse superfi ciel (inconstant)
du périnée (1). La poche périnéale superfi cielle
(saccus subcutaneus perenei) correspond à ces
deux espaces périnéaux sous-cutané et superfi
ciel (2).
– La poche périnéale profonde (saccus profundus
perinei) est délimitée superfi ciellement par la
membrane périnéale. En profondeur, il n’existe





pas de fascia séparant cette poche du muscle
releveur de l’anus et de l’hiatus urogénital. Cet
espace comprend les structures musculaires
du périnée profond (voir plus loin) variables
suivant le sexe. Il est surmonté de la prolongation
antérieure des fosses ischio-anales (2). La
poche périnéale profonde a été longtemps appelée
« diaphragme urogénital ». Les données
actuelles montrent bien qu’il ne s’agit pas d’un
diaphragme musculaire, mais que cette région
s’étend céphaliquement jusqu’au diaphragme
pelvien. L’appellation de diaphragme urogénital
doit donc être abandonnée.

3. Le système sphinctérien
L’anatomie du sphincter a été précisée récemment
par des reconstructions tridimensionnelles
assistées par ordinateur et basées sur l’étude
de coupes histologiques sériées d’embryons ou
l’analyse des coupes de sujets adultes (Visible
Human cross-sectional data de la « National
Library of Medicine ») et par les données de résonance
magnétique nucléaire (3-6). La description
exposée ci-dessous se base sur les données
concordantes de ces diverses observations. Pour
faciliter la description, il convient d’isoler une
composante striée (para-urétrale), une composante
lisse et extérieurement la sangle formée
par les faisceaux les plus médiaux du releveur
de l’anus (m. pubo-perinealis et m. pubo-analis)
(périurétrale) (fi g. 7).

3.1. Le sphincter strié
Le sphincter strié (rhabdomyosphincter) se présente
comme une gaine verticale incomplète,
ouverte dorsalement, s’étendant de la portion antérieure
de la base vésicale à l’origine du bulbe,
chez l’embryon. Le développement de la prostate
au cours de la vie déplacera progressivement ce
sphincter caudalement : chez l’adulte, il recouvre
l’apex prostatique. La croissance prostatique
s’eff ectue au départ du versant dorsal de l’urètre.
Cela explique l’épaisseur antérieure plus marquée
du sphincter et sa quasi-absence postérieurement
en regard du noyau fi breux du périnée (7). En
coupes axiales, le sphincter se présente, de haut en



bas, en forme de croissant, de fer à cheval, puis en
forme d’oméga, il s’unit alors postérieurement au
noyau fi breux central par un raphé médian. Il est
entouré de la portion la plus médiale du releveur
de l’anus dont il reste parfaitement distinct.
Le sphincter strié débute donc au niveau pelvien
pour se terminer sous la membrane périnéale, au
niveau du bulbe, en passant au travers de l’hiatus
urogénital dessiné par le releveur de l’anus
(fi g. 6). Ainsi, la poche périnéale profonde est
partiellement en continuité avec les structures
pelviennes, le sphincter strié est latéralement en
contact avec le transverse profond dont les descriptions
varient (son existence est mise en doute
par certains auteurs) (1, 2). Un seul fascia inséré
transversalement entre les deux branches ischiopubiennes
recouvre la surface inférieure de ce
muscle, la membrane périnéale. Le diaphragme
urogénital n’existe donc pas et il est préférable de
parler d’urètre sphinctérien plutôt que d’urètre
membraneux (fi g. 6).


3.2. Le sphincter lisse
La composante lisse est retrouvée à deux niveaux,
sus- et sous-montanal (fi g. 9). Les faisceaux
antérieurs les plus superfi ciels du détrusor se
répandent sur la face antérieure de la prostate,
jusqu’au niveau correspondant à celui du veru
montanum, accompagnés par les vaisseaux superfi
ciels. Ici aussi, la croissance prostatique modifi
era cette disposition avec d’importantes variations
interpersonnelles liées au développement
variable de l’hyperplasie prostatique bénigne.
Postérieurement, les fi bres lisses du trigone forment
une plaque qui s’épaissit et s’élargit en descendant
vers la partie dorsale du col vésical pour
atteindre un niveau légèrement céphalique par
rapport au veru montanum et à l’abouchement
des canaux éjaculateurs. Cette plaque donne des
faisceaux de fi bres lisses à direction antérieure, en
continuité avec le stroma fi bro-musculaire antérieur.
Elle est complétée en haut et en avant par
les fi bres cervicales. Au niveau sous-montanal, il
existe une gaine sphinctérienne lisse emboîtée
dans le sphincter strié. Ce cylindre sphinctérien
lisse complet débute au-dessus du sphincter strié,
mais s’arrête avant la limite inférieure de la gouttière
verticale du sphincter strié.

3.3. La sangle externe
Les observations anatomiques basées sur les examens
de résonance magnétique nucléaire permettent
d’observer le releveur de l’anus dans sa




position physiologique et d’en étudier l’action.
La portion médiane de ce muscle présente une
disposition quasi verticale, bordant les faces prostatiques
latérales sans d’autre interposition tissulaire
que les éléments fasciaux (fi g. 6). La portion
la plus médiale du releveur forme deux bandes
musculaires s’insérant au pubis en avant et au
noyau fi breux du périnée en arrière. Ces deux
bandes forment une sangle qui « cravate » l’urètre
sphinctérien et l’attire vers l’avant et le haut, il
s’agit du muscle pubo-perinealis. Extérieurement
à cette sangle et plus horizontal, on retrouve le
muscle pubo-analis qui s’insère au pubis en avant
et au raphé postérieur du releveur, derrière le
canal anal. Le muscle recto-urétralis (4) naît de
deux bandes accolées à la paroi rectale antérieure
qui descendent antérieurement pour s’unir et se
fi xer au noyau fi breux central (fi g. 8) (8, 9).

4. Les systèmes de suspension
Le système sphinctérien et son innervation s’intègrent
dans les fascias pelviens et périnéaux. La
description des fascias pelviens au vu de la littérature,
manque de systématisation : des fascias,
ligaments et espaces créés par les dissections
chirurgicales sont décrits sans correspondre à des
structures anatomiques clairement reconnues par
la nomenclature internationale.
Le terme de fascia désigne un tissu de soutien
qu’il soit lâche, aréolaire, graisseux ou fi breux.
L’ensemble des tissus de soutien compris entre,
céphaliquement, le péritoine et, caudalement, le
releveur de l’anus et son aponévrose, correspond
au fascia endopelvien. Ce fascia lâche s’épaissit au
niveau de la paroi du pelvis (fascia endopelvien
pariétal), au niveau des viscères pelviens (fascia
endopelvien viscéral), le long des structures neurovasculaires
(ailerons vésicaux et prostatiques) et
enfi n à la base du pelvis formant des axes dorsoventraux,
tendus de chaque côté entre l’épine
sciatique et le pubis. Ces derniers forment une
ligne blanche souvent visible entre le bord latéral
de la prostate médialement et l’arcus tendineus
levator ani latéralement. Il s’agit de l’arcus
tendineus fascia pelvis. Cette bande se prolonge
en avant et sous le pubis par les ligaments pubourétraux
qui constituent un point d’attache
du système sphinctérien. Les ligaments pubourétraux
se prolongent vers le haut par les ligaments
vésicaux. La prostate se développe dans cet
espace, partiellement recouverte par les faisceaux
détrusoriens antérieurs. Les ligaments pubovésicaux
apparaîtront souvent comme des ligaments
pubo-prostatiques.
La croissance de la prostate, emboîtée comme un
coin entre les parois verticales du releveur entraîne
l’accolement des fascias situés latéralement :
fascias endopelviens viscéral et pariétal, aponévrose
du releveur et en arrière les ailerons prostatiques
et le fascia de Denonvilliers donnant naissance
au fascia prostatique latéral. Le releveur de
l’anus envoie des faisceaux de fi bres recouvrant
l’apex prostatique.

5. L’innervation sphinctérienne
Classiquement, l’innervation sphinctérienne dépend
du nerf pudendal et de ses branches
(sphincter strié) et des nerfs pelviens (sphincter
lisse) (fi g. 10) :
– Le nerf pudendal naît des rameaux ventraux des
racines S2, S3 et S4 (84 %) (S3, S4 et S5 : 2 %;
S2 et S3 : 9 %; S2, S3, S4 et S5 : 5 %) sur
la surface pelvienne du muscle coccygien. Il
quitte le pelvis par la grande échancrure sciatique
en contournant l’épine sciatique et s’engage
dans le périnée dans un dédoublement
de l’aponévrose du muscle obturateur interne,
le canal d’Alcock. Dans ce canal, il donne ses
branches terminales : le nerf rectal inférieur, le
nerf périnéal et le nerf dorsal de la verge. Le
nerf périnéal donne une branche superfi cielle,
sensitive et une branche profonde destinée aux
muscles du périnée antérieur dont le sphincter
urétral strié.
– L’innervation autonome (orthosympathique et
parasympathique) dépend des plexus hypogastriques
inférieurs développés sur les faces latérales
du rectum. Les fi bres parasympathiques
alimentant ces plexus viennent des nerfs splanchniques
pelviens qui quittent les rameaux antérieurs
des racines sacrées S2 à S4. Ces nerfs


splanchniques pelviens contiennent les commandes
parasympathiques de l’érection, d’où
leur dénomination de nerfs érecteurs (nervi erigentes).
Les fi bres orthosympathiques arrivant
au plexus hypogastrique inférieur ont deux
origines. La majorité de ces fi bres viennent
du plexus hypogastrique supérieur, médian,
par l’intermédiaire des deux nerfs hypogastriques
(le plexus hypogastrique supérieur est relié
à la chaîne ganglionnaire latéro-vertébrale
orthosympathique par les nerfs splanchniques
lombaires). Une minorité de fi bres orthosympathiques
viennent des nerfs splanchniques
sacrés qui relient la chaîne ganglionnaire
latérovertébrale pelvienne aux plexus hypogastriques
inférieurs. Les nerfs pelviens mixtes
(para- et orthosympathiques) qui s’échappent
des plexus hypogastriques inférieurs sont destinés
de haut en bas au rectum, à la vessie, au
col vésical, à la prostate, aux corps érectiles et à
l’urètre (sphincter lisse). Ces nerfs gagnent les
viscères cibles en suivant les trajets vasculaires
(bandelettes vasculonerveuses) : le contingent
destiné aux corps caverneux (nerfs caverneux)
longe la limite latérodorsale de la prostate dans
un dédoublement fascial pour s’engager dans
l’hiatus génito-urinaire à 3 et 9 heures par rapport
à l’urètre, en dehors du sphincter strié.
Chez l’embryon, ces nerfs caverneux, postérolatéraux,
sont groupés en faisceaux droit et
gauche. La croissance prostatique va refouler
vers l’avant et disperser ces fi bres dans le fascia
latéral (théorie du voile d’Aphrodite). Le
contingent destiné au sphincter urétral (lisse)
court dans le sillon dessiné par la paroi rectale
latérale et le releveur de l’anus, sur le muscle en
lui-même et sous son aponévrose. Les contingents
gauches et droits courent vers l’avant et
pénètrent le système sphinctérien urétral à 5 et
7 heures par rapport à l’urètre.
Plusieurs précisions doivent compléter cette description
:
– Sur une coupe frontale (fi g. 6), la proximité
du sphincter urétral strié et des nerfs dorsaux
de la verge est évidente. Cependant, si certains
auteurs décrivent des rameaux du nerf dorsal
destinés au sphincter, d’autres nient leur existence.
Le nerf dorsal est un nerf de type sensitif,
ses rameaux destinés au sphincter, s’ils existent,
assureraient la sensibilité plus que la motricité
de l’unité sphinctérienne.
– L’innervation motrice du sphincter striée est
admise comme dépendant de la branche profonde
du nerf périnéal. Il existe en plus une
branche nerveuse destinée au sphincter urétral
qui naît du nerf pudendal avant sa pénétration
dans le canal d’Alcock. Cette branche suit un
trajet pelvien, rejoignant sous l’aponévrose du
releveur de l’anus le contingent autonome décrit
plus haut (10).
– Des travaux récents montrent l’intervention du
nerf du muscle releveur dans le contrôle de l’innervation
du sphincter urétral. Des connexions
existent entre ces deux nerfs avec des trajets
communs aux fi bres autonomes (11, 12).
– L’innervation autonome ne semble pas strictement
latéralisée. Des connexions entre les réseaux
nerveux gauche et droit existent au sein
des éléments fasciaux. Leur signifi cation clinique
n’est pas connue, mais leur présence est un
argument pour la préservation maximale des
fascias lors des interventions de prostatectomie
radicale (13). 

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