Une tumeur exceptionnelle chez un nourrisson
Unusual tumor localization in a 3 month-old baby
H. Belajouza1,*, A. Slama1, R. Moatemri1, M. Bouzaı ¨ene2, M. Belghith3, A. Nouri3, H Khochtali1
Un nourrisson, aˆge´ de trois mois, de sexe masculin,
sans ante´ce´dent pathologique notable, a pre´sente´
une tume´faction du rebord alve´olaire maxillaire
gauche, apparue a` l’aˆge de deux mois, augmentant rapidement
de volume et geˆnant la succion.
Cette tume´faction, de 2 cm de diame`tre, qui soulevait la
le`vre supe´rieure et le seuil narinaire, e´tait indolore et non
inflammatoire (fig. 1).
L’e´tat ge´ne´ral du be´be´ e´tait conserve´, les aires ganglionnaires
cervicales libres, et le reste de l’examen clinique normal.
La tomodensitome´trie (fig. 2) montrait une oste´olyse maxillaire
parame´diane gauche, arrondie, de 18 mm de diame`tre et bien
limite´e. La matrice le´sionnelle, de densite´ tissulaire, se rehaussait
le´ge`rement apre`s injection de produit de contraste.
L’exploration chirurgicale, sous anesthe´sie ge´ne´rale, a mis en
e´vidence une tumeur ferme, blanchaˆtre, qui lors de la rupture
accidentelle de la paroi, a donne´ issue a` un tissu noiraˆtre
(fig. 3). L’exe´re`se de la le´sion a e´te´ suivie d’un curetage appuye´.
La pie`ce ope´ratoire a e´te´ adresse´e au laboratoire pour examen
anatomopathologique
Figure 1. Tume´faction du rebord
alve´olaire maxillaire gauche soulevant
la le`vre supe´rieure et le seuil narinaire.
Figure 2. TDM en coupe axiale montrant une
oste´olyse maxillaire parame´diane gauche, arrondie,
bien limite´e, de densite´ tissulaire, se rehaussant
le´ge`rement apre`s injection de produit de contraste
Figure 3. Photo perope´ratoire montrant l’issu d’un
tissu noiraˆtre lors de la rupture accidentelle de la
paroi tumorale.
Quel est votre diagnostic ?
L’examen anatomopathologique a montre´ qu’il s’agissait
d’un progonome me´lanotique (tumeur neuroectodermique
me´lanotique), une tumeur be´nigne exceptionnelle. Environ
200 cas ont e´te´ rapporte´s dans la litte´rature.
Cette tumeur, de´crite en 1966 par Borello et Gorlin, re´sulterait
de la persistance anormale de cellules de la creˆte neurale
au niveau des maxillaires [1].
Actuellement l’origine neuroectodermique est admise par
l’OMS et repose sur des arguments biochimiques, histochimiques
et embryologiques [1].
La tumeur atteint surtout le nourrisson de moins de six
mois, mais peut eˆtre diagnostique´e chez l’adulte. Il n’y a
pas de pre´dilection de race ou de sexe [2].
Cliniquement la le´sion est indolente, avec une agressivite´
locale et une e´volution rapide tre`s caracte´ristique [3]. La
tume´faction est recouverte d’une muqueuse saine, posse`de
une consistance e´lastique et n’est pas fixe´e aux plans
profonds. L’existence d’une coloration pourpre, brune ou
meˆme bleue-noire peut e´ventuellement orienter le diagnostic.
La localisation habituelle hors syste`me nerveux central
est le maxillaire supe´rieur, mais les os du craˆne, la mandibule,
le fe´mur, l’e´pididyme, l’ute´rus, l’ovaire ou encore le
me´diastin peuvent e´galement eˆtre atteints [4].
L’examen tomodensitome´trique de´crit classiquement une
le´sion hypodense entoure´e d’une scle´rose marginale, sans
calcification ni he´morragie et non rehausse´e apre`s injection
du produit de contraste [2].
Du point de vue the´rapeutique, la majorite´ des auteurs
optent pour une chirurgie conservatrice, l’e´nucle´ation avec
curetage permettant la gue´rison dans la majorite´ des cas et
minimisant les risques de troubles de la croissance [1, 3-5].
C’est l’examen histologique qui donne le diagnostic de certitude.
On retrouve une population mixte, faite de cellules
rondes e´voquant par leur morphologie des neuroblastes et
des cellules polye´driques pigmentaires contenant des charges
me´laniques et ressemblant aux cellules pigmentaires
de l’e´pithe´lium re´tinien [2]. Les re´actions immunochimiques
s’ave`rent utiles au diagnostic. La biochimie re´ve`le fre´quemment
une e´le´vation du taux d’acide vanylmande´lique
(VMA), qui se normalise apre`s exe´re`se de la tumeur,
comme c’est le cas pour les autres tumeurs de´rivant de la
creˆte neurale telles que le neuroblastome, le ganglioneuroblastome
et le phe´ochromocytome [3]. Cette augmentation
du taux de VMA n’est toutefois pas pathognomonique.
Dans notre observation, le dosage du taux de VMA urinaire
en postope´ratoire e´tait normal, et ce a` plusieurs reprises.
Le diagnostic diffe´rentiel doit eˆtre pose´ avec le sarcome
d’Ewing, l’ame´loblastome le lymphome malin ou encore le
neuroblastome primitif, ou me´tastatique.
La be´nignite´ de cette tumeur doit eˆtre relativise´e ; en effet,
on a note´ la pre´sence de me´tastases dans 3 % des cas. Le
taux de re´cidives est d’environ 15 %, elles apparaissent dans
80 % des cas au cours des six mois suivant l’intervention
[5]. Elles re´sultent tre`s probablement du caracte`re incomplet
de l’exe´re`se chirurgicale.
Les suites ope´ratoires chez notre patient ont e´te´ simples et
l’enfant n’a pre´sente´ aucune re´cidive en deux ans de suivi.
Re´fe´rences
1. Aka GK, Adou A, Crezoit GE, Coulibaly N, Konan E, Assa A,
et al. Progonome me´lanotique : a` propos de trois cas. Rev Stomatol
Chir Maxillofac 1994;95:73–5.
2. Volk MS, Nielsen GP. Case records of the Massachusetts General
Hospital. Weekly clinicopathological exercises. Case 7-
2001–A male infant with a right maxillary mass. N Engl J
Med 2001;344:750–7.
3. Dilu NJ, Bobe A, Sokolo MR. Progonome me´lanotique : a` propos
d’une volumineuse tumeur du nourisson. Rev Stomatol
Chir Maxillofac 1998;99:103–5.
4. Johnson RE, Scheithauer BW, Dahlin DC. Melanotic neuroectodermal
tumor of infancy: a review of seven cases. Cancer
1983;52:661–6.
5. Belajouza H, Slama A, Moatemri R, Bouzaiene M, Belghith M,
Nouri A, et al. Epididymal melanotic neuroectodermal tumor
of infancy. Hum Patholo 1985;16:416–20.
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