DOULEUR CHRONIQUE
La prise en charge d'une douleur chronique relève de la compétence d'une
équipe pluridisciplinaire. Néanmoins, quelques éléments peuvent servir de
guide lorsque l'anesthésiste est confronté à ce type de douleur.
LA DOULEUR CHEZ LE CANCÉREUX EST SOUVENT
MULTIFACTORIELLE -----------------
• Maladie cancéreuse elle-même.
• Thérapeutique anticancéreuse.
• Symptômes associés.
• Etat grabataire.
• Détresse psychique.
Plusieurs types de douleurs peuvent coexister
• Bilan complet c linique et paraclinique : éléments nociceptifs et neuropathiques
souvent anotés.
• Coter la douleur grâce à des échelles d 'auto-évaluation (des échelles plus
complexes intégrant l'analyse des caractéristiques de la douleur et son
retentissement [QDSA} peuvent être utilisées).
• Vérifier que les médicaments sont pris à heures régulières.
• Réévaluer régulièrement le traitement et l'adapter.
Prise en charge psychologique
• Etat dépressif, anxiété, griefs favorisant la persistance de la douleur.
• Ecoute, disponibilité, prudence dans les promesses de soulagement sont
indispensables, parfois aidées par un traitement anxiolytique.
TRAITEMENTS--------------------
• Echelle corrigée (OMS) de prescription hiérarchisée des analgésiques.
• Les co-analgésiques peuvent être associés pour leur action synergique ou
pour l'action propre de certains (tricycliques, anti-épileptiques).
DOULEURS SENSIBLES À LA M ORPHINE
(c f. Morphine et autres opiacés)-------------------------Les
principes
• Voie orale, si possible ou la plus s imple possible.
• Le produit doit être pris à heures fixes (excepté doses de secours).
• La détermination individuelle des doses efficaces est impérative.
• Penser aux médicaments adjuvants: la constipation est constante et doit
être prévenue systématiquement.
Les produits (cf. Autres opiacés)
• Codéine: 1 à 2 cp/4 ou 6 h.
• Buprénorphine: 0,2 à 1 ,2 mg/6 à 8 h. Peu utilisée car addictogène. La
dépression respiratoire est comparable à tous les opiacés à dose équianalgésique.
• Morphine à libération normale:
- Début du traitement : 1 mg/kg/j.
-Administrée toutes les 4 h.
- Après 12 h, augmenter les doses de 50 % si douleur résiduelle.
- Dose efficace trouvée en 2-3 jours.
• Morphine LP (libération prolongée)
- Peut remplacer la morphine une fois la dose efficace déterminée.
- La moitié de la dose quotidienne est administrée toutes les 12 h.
- Jéjunostomie possible pour les gélules de Skénan® (rinçage abondant).
• Fentanyl transdermique: patch à 25, 50, 100 ~-Jg/h de fentanyl. Délai d'action
12 h, durée d'action 72 h.
Autres voies d'administration
• Règles de conversion de morphine: dose intraveineuse = 1 /3 de la dose
orale; dose sous-cutanée = 1 /2 de la dose orale (cf. Conversion des analgésiques
per os vers morphine orale).
• Sous-cutanée: par "butterfly» laissé en place: au mieux, injection de la
moitié de la dose orale toutes les 4 h.
• Voie spinale: exceptionnelle actuellement. Relève des centres spécialisés.
Les effets secondaires
• Somnolence (76 %) : disparaît au cours du traitement.
• Constipation (84 %) : persistante, très invalidante, doit être traitée préventivement.
- Régime adapté.
- Lactulose: 2 à 3 c à s par 8 heures.
- Paraffine: 1 à 4 c à s par 2 heures.
- Pyridostigmine: 1 cp matin et soir.
• Nausées, vomissements (38 %) :
- Dropéridol lM {1 amp = 5 mg = 2 ml); IV (1 amp = 2,5 mg = 1 ml)
IV: 1/4 à 1/2 amp, 1 amp ma.xi.
- Puis relais par halopéridol 5 à 1 0 gouttes par 1 2 heures.
• Prurit (30 %) souvent non gênant.
• Si insuffisance rénale (créatininémie > 150 1-JmoVI): espacer les prises.
DOULEURS PARTIELLEMENT MORPHINO-SENSIBLES ___ _
Douleurs osseuses
• Aspirine: 0,5 à 1 g toutes les 4 à 6 heures.
• Ou AINS: naproxène, diclofénac.
• Associé à la morphine.
• Discuter la radiothérapie interne ou externe à visée antalgique et les
biphosphonates intraveineux.
C ompression nerveuse
• Morphine.
• Dexaméthasone: 4 mg/24 h.
• Prednisolone: 20 à 80 mg/24 h.
Traitement non médicamenteux
• Stimulation nerveuse transcutanée (TENS).
• Acupuncture.
• Hypnose : son efficacité est à p résent p rouvée. Elle peut être active sur tout
type de douleur.
DOULEURS NEUROPATHIQUES ---- -------•
Périphériques (diabète, HIV, zona) ou centrales (lésion médullaire, AVC).
Les caracté ristiques de la douleur
• Fond continu: brûlures, paresthésies aggravées par l'allodynie (douleur au
toucher).
• Décharges électriques brutales.
• Topographie nerveuse.
EVALUAT ION PAR ÉCHELLE DN4 (voir tableau) ______ _
Le p rincipe du traitement curatif
• Efficacité souvent partielle.
• Délai d'efficacité de 1 à 2 semaines.
o Nécessité d'une adaptation individuelle++ ..
Il associe traitements médicamenteux, techniques de stimulation électrique.
appareillage prothétique, réinsertion et psychothérapie.
o Morphine: rôle d'appoint efficace. ·
Les produits
• Amitriptyline: 10 à 25 mg le soir (Cl: glaucome, hypertrophie prostate).
• Clomipramine: 10 à 125 mg/j (Cl : glaucome, hypertrophie p rostate).
• Clonazépam: 1 mg le soir (1"'" prescription par neurologue pour permettre
le traitement à domicile).
• Gabapentine: 300 à 3600 mg/j par paliers de 6 à 14 j; dose moyenne
1 200 mg.
• Prégabaline: 75 à 600 mg/j par palier de 7 j. Dose moyenne= 300 mg.
• Carbamazépine: 100 à 200 mg par 8 à 12 h, puis augmenter les doses
si nécessaire, mais surveillance hépatique. Réservé en princ ipe à l'algie
vasculaire de la face.
• Oxcarbazépine: remplace le carbazamépine. Débuter à 300 mg x 2 puis
augmentation progressive.
Stratégie thérapeutique
• Aider par une approche non pharmacologique (kinésithérapie, psychologie).
• Si lésion postherpétique, infiltration locale de lidocaïne.
• Si échec, monothérapie avec un traitement de première ligne (antidépresseur
tricyclique ou gabapentine ou prégabaline ou inhibiteur de la recapture
de la sérotonine ou carbamazépine).
• Si efficacité partielle seulement, associer l'un des traitements de première
ligne non encore utilisés.
• Si échec arrêter le traitement et le remplacer par un autre de 1 ere ligne.
• Si efficacité partielle, envisager d'associer un opiacé (morphine ou tramadol).
• Douleur du moignon due souvent à une épine irritative ou à un névrome.
• Douleur fantôme-sensation fantôme : sensations douloureuses localisées
dans le membre fantôme et imputables à la section nerveuse. Ces
douleurs intermittentes avec des paroxysmes peuvent être extrêmement
intenses, à type de brûlures ou de crampes dans la partie distale du membre.
Elles affectent plus de 70 % des patients en postopératoire immédiat, et se
chronicisent chez 50 % d'entre eux. Dans 10 % des cas, les douleurs sont
identiques aux douleurs pré-amputation, surtout en l'absence d'analgésie
préopératoire. Une analgésie péri-opératoire avec clonidine intrathécale,
gabapentine ou kétamine par voie générale pourrait les améliorer.
• L'analgésie péridurale péri-opératoire (même débutée en préopératoire) ne
semble pas rédu1re le nsque de douleur fantôme.
VOIE TRANSCUTANÉE: VERSATIS®
• Emplâtre de lidocaïne 5 %.
• Mettre sur peau saine pendant 1 2 h.
• Indiqué dans les douleurs neuropathiques en particulier postzostériennes.
• Maxi: 3 emplâtres simultanés.
DOULEURS MUSCULAIRES------- ------Souvent
en rapport avec une atteinte osseuse et l'état grabataire.
• En association avec la kinésithérapie.
• T étrazépam : 1 /2-1 cp/ 8 h ; thiocolchicoside : 1 à 3 cp/j ; diazépam : 2 à
5 mg par 12 h; baclofène: 1 à 3 cp/j.
• Injection des zones gachettes avec un AL {lidocaïne 1 %, 1 à 2 ml).
QUESTIONNAIRE DN4
• Oui = 1 point et Non = 0 point.
• Valeur seuil pour le diagnostic de douleur neuropathique : 4/1 O.
• Spécificité: 81,2%; sensibilité: 78 %.
Commentaires
Enregistrer un commentaire