Place des cancers en médecine
La cancérologie est relativement épargnée par ce biais dans la mesure où les
cancers sont des maladies sérieuses, nécessitant presque toutes une hospitalisation,
la plupart adressées en hôpital universitaire ou centre anticancéreux équivalent.
Les cancers qu’on y voit ne sont pas très diff érents de ceux que l’on voit
ailleurs. Cependant, les malades qui y sont hospitalisés ou y viennent en consultation
ne s’y présentent pas de la même manière qu’à leur médecin de famille
ou au cabinet d’un spécialiste. Il y a également une grande diff érence entre les
malades hébergés à l’occasion d’un bilan, d’une intervention lourde ou pour des
soins complexes, et ceux vus en consultation pour un traitement ambulatoire ou
une surveillance systématique après qu’ils ont récupéré une bonne santé.
Les soignants doivent retenir qu’à côté du cancer et d’une part de vie
malade qui motive leurs interventions, les patients conservent une part de vie
saine, l’une s’équilibrant plus ou moins avec l’autre. Professionnels de santé
est une dénomination récente qui signifi e bien la prépondérance de la santé
sur la maladie. Ils doivent s’intéresser à la vie normale des patients, pour ne
pas la déranger abusivement, pour la conserver ou la rendre aussi normale
que possible. De plus, la majorité des malades atteints de cancers sont âgés
et présentent souvent d’autres atteintes pathologiques, des « comorbidités »
dont le retentissement et le traitement interfèrent plus ou moins avec ceux de
la tumeur maligne. Oncogériatrie est presque un pléonasme. Quel qu’il soit, le
médecin ne peut s’adresser au cancer en oubliant le reste. Il doit considérer
la personne malade dans sa globalité, avec l’ensemble de ses atteintes pathologiques
comme avec l’ensemble de ses désordres psychologiques et sociaux
éventuels. Cela explique qu’on ait individualisé un temps une médecine interne
cancérologique et que dans beaucoup de pays la cancérologie est une spécialité
dérivée de la médecine interne. Elle échappe aux classifi cations des spécialités
centrées sur un appareil anatomique ou sur une technique.
La cancérologie déborde d’une autre manière l’approche des maladies
cancéreuses : elle s’intéresse également à des patients qui n’ont pas ou plus de
cancer. Les uns y sont exposés – et peuvent justifi er prévention et dépistage –
ou sont cancérophobes. D’autres n’ont plus de cancer mais doivent bénéfi cier
d’une réadaptation ou d’une surveillance dont les éléments sont multiples.
C’est dire qu’elle concerne pratiquement tout médecin, à un moment ou à un
autre, de même que bien d’autres professionnels, comme les infi rmières, kinéhttp
sithérapeutes, diététiciennes, dentistes, travailleurs sociaux. Les uns et les autres
sont couramment interpellés, même en dehors de leur activité professionnelle,
à propos de ce « fl éau » auquel personne n’est indiff érent.
Elle les met à contribution en sollicitant leur technique, mais aussi par une
« rencontre singulière » où la communication joue un rôle capital. Il n’est pas
facile d’échanger avec une personne qui se croit ou que l’on dit abusivement
« condamnée ». La relation humaine, le contact clinique que les progrès techniques
risquent de faire délaisser, restent fondamentaux, irremplaçables.
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